mercredi 21 décembre 2011

Un conte de Noël ..Malgache ! ( G.F.)


                André et le Cœlacanthe,
1° Partie

Au cœur du village d' Anakao  ( au Sud-Ouest de Madagascar ) , dans les dunes de sable , une case se dresse fièrement . Elle abrite la famille Rajoan , celle du chef du village . Le grand père, Maurice , qui  dirigea la tribu de nombreuses années , a laissé la place à son fils et passe le plus clair de son temps avec son petit fils ,André .Âgé de 12 ans celui ci brûle d' accompagner les hommes en mer pour pêcher les requins.
Ce matin là André joue au bord du rivage mais ses yeux ne quittent pas l'Océan. 
Son grand père et son père sont absents depuis 3 jours et la compagnie des femmes lui pèse déjà .Soudain une voile apparaît a l'horizon . Une bouffée de joie envahit André avant de laisser la place à une sourde inquiétude : il a reconnu la voile chatoyante de son père mais où est celle de son grand père ? Lorsque la pirogue vient s'échouer sur la  grève c'est les yeux remplis de larmes et le corps  secoué de sanglots qu'il se précipite vers son père . En serrant André contre lui, d'une voix éraillée et hachée par la fatigue et la souffrance, il parvient à raconter ce qui s'est passé:
- Nous avions harponné un magnifique requin lorsque dans un saut  désespéré il a fait chavirer la pirogue de ton grand père .Celui ci a disparu dans les flots et tous mes efforts pour le retrouver sont restés vains....
Il se tut alors et André comprit que la suite , horrible , hanterait à jamais l'esprit de son père . S'arrachant de ses bras, André courut le long de la grève en hurlant sa peine et son désespoir .


Cette nuit là ,sous une lune voilée,, un petit garçon désespéré, poussa,sans bruit, une pirogue à la mer . Il commença à s'éloigner à la pagaie et laissa le courant l'emporter au large .Les larmes avaient laissé la place à une froide résolution : en souvenir de son grand père, André allait montrer à la tribu qu'il était en âge de pécher .Il lui suffisait de passer la grande barre de Nosy Ve ,et il pourrait alors s'éloigner assez de la côte pour jeter ses filets .Il faillit abandonner lorsque,après de multiples tentatives, une fois encore, les grandes vagues le rejetèrent tout près de l'île qu'il voulait laisser derrière lui. Reprenant son souffle, il observa le rythme des vagues, et se rendit compte qu'il devait franchir la barre après la troisième grosse vague, qui précédait un semblant d'accalmie .Il s'élança donc avec une énergie décuplée par la volonté de se prouver, que cet obstacle naturel ne pourrait pas l'arrêter, et il se mit à pagayer avec fureur : debout dans la pirogue il crut un instant avoir échoué . Mais avec un choc sourd l'esquif plongea ,se rétablit ,et quitta la zone de turbulence de la grande barre .André se laissa tomber au fond de la pirogue et vaincu par la fatigue , il s'endormit d'un lourd sommeil .
Lorsqu'il se réveilla ,la lune semblait penchée sur lui et illuminait un ciel désormais libre de tout nuage . Engourdi il mit un certain temps à reprendre ses esprits et réalisa soudain la précarité de sa situation : où était-il ,combien de temps avait il ainsi erré à travers l'océan ,comment pourrait il revenir à Anakao ?

Surtout ne pas céder à la panique,  qui ne ferait que compliquer une situation déjà fort délicate .La faim le tenaillait à présent et il se souvint de cette histoire que son grand père racontait le soir à la veillée : un marin avait réussi à survivre plusieurs jours ,seul dans l'océan, grâce aux poissons qu'il péchait,qui lui avaient donné l'énergie nécessaire pour rester en vie .
Il accrocha difficilement le lourd filet à la proue de la pirogue ,espérant en souriant qu'il ne pêcherait pas une baleine ...allons, l'espoir subsistait, puisqu'il arrivait à conserver son humour .Il jeta ensuite le filet à la mer ,comme il l'avait vu faire par son père, et se rassit ,admirant une mer d'huile où la lune dispersait des reflets brillants .D'un seul coup il se mit à penser à ses parents,sa famille, ses amis et surtout son « Dadabe »* Maurice, qu'il allait peut être rejoindre au pays des esprits. Alors ce petit garçon si courageux, si téméraire, et pour tout dire si inconscient se laissa submerger par son émotion : alors qu'il pleurait à chaudes larmes il eut soudain l'impression que la pirogue était secouée, comme l'est un bouchon lorsque l'hameçon est agacé par un poisson .Il se redressa et faillit tomber à la renverse : la pirogue venait de faire un bond en avant .Pas de doute le filet venait de remplir son office et s'il en jugeait par la vitesse prise par son frêle esquif le butin devait être de choix .Frénétiquement il commença à remonter son filet sans que son action semble changer quoi que ce soit .
( A suivre.... )
* " Dadabe" Grand Père en Malgache
Photos:
S.Filliastre : Anakao Août 2005



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